Raoul Ruiz, le magicien
Que dire de Raoul Ruiz ? Qu’il fut l’un des cinéastes les plus originaux de ces cinquante dernières années ? Sans doute le plus prolifique, aussi (120 films en quarante ans) ? Qu’il s’est exilé de son Chili natal au moment du coup d’état du général Pinochet, et qu’il a développé en Europe une œuvre luxuriante, étourdissante, échappant à toute commune mesure ? Qu’il n’a cessé de se partager entre des « grosses productions » (Le Temps retrouvé, Les Mystères de Lisbonne) et des films expérimentaux, souterrains, tournés sans moyens, avec des copains – en passant par tous les registres intermédiaires ? Qu’il entretenait une relation privilégiée, complice, avec ses acteurs, et que plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui, sans doute, ceux qui parlent le mieux de son art. Mais aussi : qu’il faisait partie de ces rares créateurs pour qui l’imagination commande tout. Qu’il a proprement inventé un monde, d’un baroque exacerbé, où des univers parallèles entrent en collision, où les temps se croisent, où les frontières ne cessent de s’effacer entre les vivants et les morts, entre le présent et le passé, entre le rêve et la réalité…